3 – État d’urgence sanitaire (Covid-19) et baux d’habitation (mise à jour suite à la publication de l’ordonnance n° 2020-560 du 13 mai 2020)

La publication au Journal Officiel, le 14 mai 2020, de l’ordonnance n° 2020-560 du 13 mai 2020 fixant les délais applicables à diverses procédures pendant la période d’urgence sanitaire répond aux interrogations que nous soulevions dans un précédent article sur les conséquences de la prorogation de l’état d’urgence sanitaire dont le terme est désormais fixé au 10 juillet 2020.

Pour mémoire, la période dite « juridiquement protégée » était précédemment comprise entre le 12 mars 2020 et « l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré dans les conditions de l’article 4 de la loi du 22 mars 2020  » soit, le 24 mai 2020 + 1 mois = le 24 juin 2020 selon l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 dans son ancienne version.

Cette rédaction laissait penser que la prorogation de l’état d’urgence sanitaire au 10 juillet 2020 entraînerait de facto une prorogation de la période dite « juridiquement protégée », ce qui n’était pas justifié au regard de la levée progressive du confinement et de la reprise de l’activité selon l’avis du Conseil d’État.

L’ordonnance n° 2020-560 du 13 mai 2020 permet de mettre fin à l’incertitude et vient modifier l’article 1.I de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période dans les termes suivants :

« Les dispositions du présent titre sont applicables aux délais et mesures qui ont expiré ou qui expirent entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020 inclus« .

La période dite « juridiquement protégée » est désormais gelée puisqu’elle expire le 23 juin 2020. Ainsi, à partir du 24 juin 2020, tous les délais repartent dans des conditions prévues par l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 modifiée.

Concernant les baux d’habitation – puisqu’il s’agit du sujet que nous avons choisi d’aborder en premier lieu – et plus précisément la prise d’effet de la clause résolutoire, le calcul des délais effectué à titre d’exemple dans notre précédent article reste ainsi inchangé, à un jour près.

Il convient de rappeler que cette interprétation des textes n’engage que son auteur. Le Juge des contentieux de la protection sera amené à trancher la question des délais dans les mois à venir. Cet article est donc rédigé sous réserve de l’interprétation qui sera faite par les juridictions.

2 – État d’urgence sanitaire (Covid-19) et baux d’habitation (mise à jour suite à la publication de la loi du 11 mai 2020)

Dans un précédent article consacré aux conséquences de l’état d’urgence sanitaire sur certains aspects relatifs aux baux d’habitation, la question de la prorogation des délais a été abordée à la lumière des textes applicables au moment de sa rédaction.

Depuis lors, la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 entrée en vigueur le même jour, a prorogé l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 10 juillet 2020.

Le nouveau régime d’état d’urgence sanitaire ainsi édicté a pour objet de renforcer (encore) le pouvoir de l’Etat et notamment sa possibilité de restreindre certaines libertés.

Il ne s’agira, ici, que d’évoquer les conséquences de cette nouvelle prorogation de l’état d’urgence sur les contrats d’habitation.

Il résulte clairement de l’article 10 de cette loi – visant l’article L. 412-6 du code des procédures civiles d’exécution – que la prorogation a une incidence directe sur la trêve hivernale, désormais prolongée jusqu’au 10 juillet 2020 inclus.

S’agissant des autres délais prévus dans l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020  relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période, modifiée par l’ordonnance n° 2020-427 du 15 avril 2020, rien ne permet d’affirmer à ce jour qu’ils seront ipso facto affectés par cette nouvelle prorogation.

En effet, l’ordonnance sus-évoquée a été adoptée en application de l’article 4 de la précédente loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 déclarant l’état d’urgence sanitaire pour une durée de deux mois soit, jusqu’au 24 mai 2020.

L’article 4 prévoit également :

« La prorogation de l’état d’urgence sanitaire au delà de la durée prévue au premier alinéa du présent article ne peut être autorisée que par la loi« .

Prorogation est faite. L’article 1-I de la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions dispose :

« L’état d’urgence sanitaire déclaré par l’article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 est prorogé jusqu’au 10 juillet 2020 inclus ».

La logique invite à considérer que la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire est affectée par cette nouvelle loi, prolongeant ainsi et encore les délais évoqués dans notre précédent article.

Or, à ce jour, l’ordonnance relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire du 25 mars 2020, modifiée le 15 avril 2020 ne vise que la loi initiale -celle du 23 mars 2020 déclarant l’état d’urgence sanitaire – pour une durée de deux mois soit, jusqu’au 24 mai 2020….

Un doute subsiste en l’état – et en l’État de droit – sur la prorogation des délais. À cet égard, il convient de se référer à l’avis du Conseil d’État sur le projet de loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire (Avis  n° 400104 du 1er mai 2020) lequel :

«  (…) attire l’attention du Gouvernement sur les conséquences de la prorogation liées au prolongement de la durée des nombreuses mesures décidées par des ordonnances prises en application de l’article 38 de la Constitution en vue de faire face à l’épidémie de covid-19 apportant des dérogations aux dispositions légales de droit commun, notamment en matière de délais. Ces dérogations ont, dans de nombreux cas, comme terme la durée de l’état d’urgence déclaré par la loi du 23 mars que la présente loi va proroger de deux mois augmentée d’un mois. Elles étaient justifiées par la situation d’arrêt massif de l’activité du pays provoquée par la mesure générale de confinement de la population à partir du 17 mars. Dès lors que ce confinement va être progressivement levé et que l’activité va reprendre, ces dérogations ne pourront plus se fonder sur leurs justifications initiales. Aussi le Conseil d’Etat estime-t-il que la nécessité et proportionnalité de ces dérogations doivent faire, de la part du Gouvernement, l’objet, dans les semaines qui viennent, d’un réexamen systématique et d’une appréciation au cas par cas« .

Aussi, sur la prorogation des délais – touchant aux baux d’habitation et bien d’autres aspects contractuels, légaux et procéduraux sur lesquels nous écrirons bientôt –  il serait pour le moins prudent d’attendre une nouvelle ordonnance ou a minima, une explication de texte.

1 – État d’urgence sanitaire (Covid-19) et baux d’habitation

Au regard de la crise sanitaire que nous traversons depuis le premier trimestre 2020, plusieurs dispositions ont été adoptées en vue de pallier aux conséquences économiques, sociales mais aussi juridiques de l’état d’urgence sanitaire déclaré par la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020.

S’agissant des baux d’habitation soumis à la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, on rappellera, tout d’abord, que les mesures adoptées en vue de permettre – sous certaines conditions – de suspendre le paiement des loyers commerciaux résultant d’un bail commercial, ne sont pas applicables aux baux d’habitation.

Les locataires doivent, par conséquent, poursuivre le paiement de leurs loyers d’habitation ; les dispositions prises dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire ne changent rien à ce sujet.

Toutefois, deux ordonnances ont été adoptées pendant cette période ; l’une permet de protéger les locataires et l’autre aménage des délais en faveur des deux parties.

Cette ordonnance concerne les locataires ayant fait l’objet d’une ordonnance ou d’un jugement constatant l’acquisition de la clause résolutoire contenue dans leur bail d’habitation et ordonnant leur expulsion.

Si l’article L. 412-6 du Code des procédures civiles d’exécution prévoit la suspension de toute mesure d’expulsion dans une période – dite trêve hivernale – comprise entre le 1er novembre et le 31 mars 2020, l’ordonnance n° 2020 -331 du 25 mars 2020 a prolongé cette période jusqu’au 31 mai 2020.

Dès lors, jusqu’au 31 mai 2020, aucun locataire ne pourra faire l’objet d’une mesure d’expulsion de son logement.

  • Ensuite, l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020  relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période, modifiée par l’ordonnance n° 2020-427 du 15 avril 2020, a édicté des mesures de suspension ou de prorogation des délais dont l’exécution est devenue impossible en raison de l’état d’urgence sanitaire.

Cette ordonnance a des conséquences sur les règles relatives à la délivrance du congé donné par le bailleur, mais également sur le commandement de payer visant la clause résolutoire.

  1. Sur la délivrance du congé donné par la Bailleur

La loi du 6 juillet 1989 prévoit que le bailleur qui souhaite reprendre son logement – pour le vendre, l’occuper ou pour motif légitime et sérieux (ex. le défaut de règlement des loyers) – doit délivrer un congé à son locataire au moins six mois avant le terme du contrat pour les logements vides et au moins trois mois avant le terme du contrat pour les logements meublés.

Faute de respecter ces délais, le congé est nul et le contrat de bail est reconduit tacitement pour une période de trois ans (pour les locations vides) et d’un an (pour les locations meublées).

Le non-respect de ces délais a donc des conséquences importantes tant pour le bailleur – qui sera sanctionné par une prolongation non souhaitée du bail d’habitation – mais aussi pour le locataire qui doit profiter de la période de préavis pour rechercher un nouveau logement et organiser son déménagement.

On précisera, ici, que le congé doit être notifié soit par lettre recommandée avec accusé de réception soit signifié par acte d’huissier de justice ou encore remis en main propre contre récépissé ou émargement (article 15 de la loi du 6 juillet 1989).

Or, nous savons que depuis l’état d’urgence sanitaire déclaré par la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020, les services postaux sont perturbés, les huissiers de justice ne délivrent plus d’actes (sauf extrême urgence) et la remise en main propre n’est pas envisageable en raison des mesures sanitaires et de distanciation sociale adoptées.

Pour pallier cet aléa rendant impossible la délivrance d’un congé dans les délais légaux et toute résiliation contractuelle en général, devant intervenir dans des délais précis, l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 a édicté une prorogation de ces délais.

Il s’agit de l’article 5 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 qui dispose :

« Lorsqu’une convention ne peut être résiliée que durant une période déterminée ou qu’elle est renouvelée en l’absence de dénonciation dans un délai déterminé, cette période ou ce délai sont prolongés s’ils expirent durant la période définie au I de l’article 1er, de deux mois après la fin de cette période » (nous soulignons).

La « période » à laquelle il est fait référence est celle située entre le 12 mars 2020 (Article 1. I. de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020) et théoriquement le 24 juin 2020 (soit le 24 mai 2020 – date fixée par article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 pouvant faire l’objet d’une modification – plus 1 mois).

Le texte prévoit, dès lors, un report de deux mois à compter du 24 juin 2020 pour délivrer le congé si l’expiration de ce délai doit intervenir entre le 12 mars et le 24 juin 2020.

Exemple : un bail d’habitation arrive à expiration le 22 septembre 2020. Le congé doit être délivré au moins 6 mois à l’avance soit, avant le 22 mars 2020. L’expiration de ce délai intervenant pendant la période décrite ci-dessus, le propriétaire pourra notifier son congé jusqu’au 24 août 2020 (soit 24 juin + 2 mois).

Le délai de préavis laissé au locataire (6 mois pour un logement vide ; 3 mois pour un logement meublé) restera inchangé puisque la date initiale de fin de contrat de bail sera également prorogé pour respecter ce délai protecteur du locataire.

     2. Sur le commandement de payer visant la clause résolutoire

Le bail d’habitation comprend en général un clause dite « résolutoire » prévoyant la résolution de plein droit du contrat en cas de manquement à une obligation contractuelle par l’une des parties. Il s’agit notamment du manquement du locataire à son obligation de payer son loyer.

L’acquisition de la clause résolutoire devra être constatée par le juge après un commandement de payer visant la clause résolutoire, délivré par huissier de justice, resté infructueux.

En temps normal, la clause résolutoire est réputée acquise au terme d’un délai de deux mois suivant la délivrance du commandement de payer.

Exemple : Un commandement de payer visant la clause résolutoire est délivré le 2 janvier 2020. Si l’arriéré de loyers n’est pas réglé par le locataire dans sa totalité avant le 2 mars 2020, la clause résolutoire est réputée acquise. Le Bailleur est alors fondé à assigner le Preneur devant le juge des contentieux de la protection aux fins de voir constater l’acquisition de la clause résolutoire.

L’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 révisée par l’ordonnance n° 2020-427 du 15 avril 2020 a, là encore, aménagé les délais dans les termes suivants :

« Les astreintes, les clauses pénales, les clauses résolutoires ainsi que les clauses prévoyant une déchéance, lorsqu’elles ont pour objet de sanctionner l’inexécution d’une obligation dans un délai déterminé, sont réputées n’avoir pas pris cours ou produit effet, si ce délai a expiré pendant la période définie au I de l’article 1er.

Si le débiteur n’a pas exécuté son obligation, la date à laquelle ces astreintes prennent cours et ces clauses produisent leurs effets est reportée d’une durée, calculée après la fin de cette période, égale au temps écoulé entre, d’une part, le 12 mars 2020 ou, si elle est plus tardive, la date à laquelle l’obligation est née et, d’autre part, la date à laquelle elle aurait dû être exécutée« .

La date à laquelle ces astreintes prennent cours et ces clauses prennent effet, lorsqu’elles ont pour objet de sanctionner l’inexécution d’une obligation, autre que de sommes d’argent, dans un délai déterminé expirant après la période définie au I de l’article 1er, est reportée d’une durée égale au temps écoulé entre, d’une part, le 12 mars 2020 ou, si elle est plus tardive, la date à laquelle l’obligation est née et, d’autre part, la fin de cette période.

Le cours des astreintes et l’application des clauses pénales qui ont pris effet avant le 12 mars 2020 sont suspendus pendant la période définie au I de l’article 1er » (nous soulignons).

En substance, si l’expiration du délai de deux mois suivant la délivrance du commandement de payer intervient pendant la période juridiquement protégée – soit entre le 12 mars et le 24 juin 2020 – la clause résolutoire sera réputée ne pas avoir produit effet pendant cette période.

Si le débiteur n’a pas payé sa dette locative pendant cette période, la prise d’effet de la clause résolutoire est « reportée d’une durée, calculée après la fin de cette période [la période juridiquement protégée], égale au temps écoulé entre, d’une part, le 12 mars 2020 ou, si elle est plus tardive, la date à laquelle l’obligation est née et, d’autre part, la date à laquelle elle aurait dû être exécutée ».

Exemple 1 : un commandement de payer délivré le 24 janvier 2020 devant produire ses effets, en cas d’inexécution, le 24 mars 2020 – soit 12 jours après le début de la période juridiquement protégée – produira in fine ses effets le 6 juillet 2020 (24 juin + 12 jours).

Exemple 2 : un commandement de payer délivré le 4 février 2020 devant produire ses effets, en cas d’inexécution, le 4 avril 2020 – soit 23 jours après le début de la période juridiquement protégée – produira in fine ses effets le 17 juillet 2020 (24 juin + 23 jours).

N.B. Le terme de l’état d’urgence sanitaire et tous les délais mentionnés dans cet article sont susceptibles d’évoluer.  Par ailleurs, l’interprétation des textes est ici produite sous réserve de l’interprétation des dispositions qui sera faite par les tribunaux.